Sommaire :
- Investir dans l’immobilier en pleine mutation
- Le métier d’asset management : entre stratégie, technique et terrain
- Décider d’investir : méthode, contraintes, critères/filtres
- Paris, ville-monde et actif stratégique
- Vers un immobilier de qualité, transparent et international
Investir dans l’immobilier en pleine mutation
Nous avons interviewé Rouzbeh BADI AREZ, expert reconnu dans le domaine de l’immobilier. Son esprit d'entrepreneur l’amène à fonder en 2021 “Black Swan Real Estate”, soutenu par trois investisseurs institutionnels étrangers.
Objectif principal : acquérir des immeubles de typologies variées, en ciblant des opérations "value-add" (à forte création de valeur). En 4 ans, l'entreprise s'impose comme un acteur hybride de l'investissement et de l'asset management grâce à sa vision agile. Elle compte aujourd’hui une quinzaine d'immeubles sous gestion, dont 95 % situés dans le centre de Paris.
L’entreprise s’appuie sur une équipe d’une quinzaine de collaborateurs, incluant sa filiale technique dédiée à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, RETA (Real Estate Technical Advisory).
Le métier d’asset management : entre stratégie, technique et terrain
| « A la croisée entre le flux de capitaux et le terrain »
Dans un contexte macroéconomique tendu (inflation, hausse des taux, coût des travaux, raréfaction du crédit), le métier d’asset manager s’est densifié. Positionné “au milieu du jeu”, il articule attentes des capitaux et réalités du terrain pour identifier, transformer et repositionner les actifs sur le marché.
| « Quelle que soit la typologie, nous créons des produits utiles et innovants pour de nouveaux usages immobiliers. »
L'asset manager dialogue avec une pluralité d'acteurs pour comprendre les attentes du capital global, tout en développant une culture hybride qui lui permet de transformer ces attentes en actifs performants sur le terrain.
Comprendre le marché et ses classes d’actifs : répartition bureaux vs logement
Initialement 100 % bureaux, le portefeuille de Black Swan Real Estate s’est ouvert au résidentiel (30 %), aux commerces (15 %) et à d’autres actifs diffus (5%), illustrant les dynamiques du marché : le capital glisse progressivement vers d’autres classes d’actifs.
| « Notre société, créée en 2021, n’a pas cet héritage d’achats massifs entre 2014 et 2016. Nos bureaux, bien situés à Paris, continuent à se louer sans vacance. »
La stratégie est claire : croire au bureau, mais être sélectif. La clé réside dans la qualité d’un produit, la pertinence d’usage et la localisation avec un terrain de prédilection à Paris intra-muros. Des opportunités en périphérie émerge pour des raisons économiques, cela avec la même exigence de sélection. La capacité d’un immeuble à séduire son utilisateur reste le critère déterminant.
Le résidentiel séduit aujourd’hui par sa flexibilité de sortie (vente en bloc, à la découpe, nue-propriété…) et la qualité des localisations, souvent “prime” et à rénover, permettant une revalorisation durable.
La stratégie de Black Swan repose donc sur deux piliers :
- Résidentiel pour sa flexibilité et son potentiel de revalorisation.
- Bureaux pour leur rôle central, à condition de miser sur la qualité, l’usage et la localisation.
En somme, il ne s’agit plus d’une question de volume, mais de pertinence et d’exigence pour créer un portefeuille solide et durable.
Décider d’investir : méthode, contraintes, critères/filtres
Processus d’investissement : même méthode/raisonnement, contraintes différentes
| « D’autres acteurs ont peut-être une lecture différente, mais pour nous, peu importe la typologie d’actif, la logique d’investissement reste la même. »
Même si le logement est parfois perçu comme plus sûr, les paris, les risques et les rendements restent comparables. En revanche, le niveau de transparence et la quantité de travail diffèrent fortement.
Le bureau : une due diligence classique et un marché transparent.
| « 80 à 90 % des informations sont traité par les brokers. La donnée est maîtrisée, homogène, utile. »
Le résidentiel : même raisonnement mais plus de travail car plus minutieux, marché plus morcelé.
Le marché du résidentiel, est fragmenté et moins transparent. Les comparables sont rares (plus de ventes en bloc que de ventes à la découpe) et les sources d'information plus dispersées venant d'agences de quartier ou de réseaux secondaire, avec une fiabilité et une qualité très variables.
| « La qualité de l’information en bureau est 100 fois supérieure à celle du logement. C’est toute la difficulté en résidentiel. »
| « Le jour où le niveau de transparence en résidentiel atteindra celle du bureau, ça deviendra une classe d'actif davantage privilégiée par les acteurs institutionnels. »
Les filtres/critères décisifs : localisation, usage, contraintes
Le couple rendement/risque dépend avant tout de la localisation. C'est la principale variable d'ajustement.
| « À Paris, où le risque est moindre, on accepte un rendement plus faible. Dans des localisations secondaires, on exigera un retour plus élevé pour compenser l’incertitude. »
Autre point clé, la destination d'usage de l'actif, qui influence directement le potentiel de valorisation et les autorisations réglementaires, surtout à Paris.
| « Les règles d’urbanisme pèsent lourdement dans la valorisation. Avoir du bureau à Paris aujourd’hui, c’est rare, donc ça a une vraie valeur. »
Enfin, les contraintes spécifiques des clients filtrent les choix : exigences ESG, règles comptables (IFRS, Solvabilité II), exclusions sectorielles, durée de détention, etc.
Mesurer et piloter la performance : data, outils, KPI, stratégie
| « Le pilotage, c’est bien plus que des chiffres. C’est de la stratégie, de la technique, et une compréhension fine du produit qu’on crée. »
Analyse fondamentale : même grille d’analyse
| « Même gestion des risques, mêmes contraintes financières. »
Quelle que soit la classe d’actifs, la grille d’analyse qui guide l’investissement reste la même, on évalue le potentiel avec trois indicateurs clés :
- Taux de rendement stabilisé - TRI (cash net après location),
- Multiple de capital (valorisation finale vs capital investi),
- Yield on Cost (rendement vs coût de revient).
À cela s’ajoutent :
- Données macroéconomiques : vacance locative, dynamique des loyers, évolution des prix, …
- Indicateurs de pilotage en continue : vacance, TRI, cash-flow, coût travaux vs valeur créée, délais de relocation/cession, …
Ces données permettent d’ajuster les stratégies locatives, prioriser les arbitrages, ou encore réévaluer un plan d’investissement.
Mais au-delà des chiffres, la cohérence stratégique de l’actif : alignement avec l’usage réel, positionnement sur le marché, capacité à séduire l’utilisateur final, compatibilité avec les nouveaux usages, et la résilience dans le temps reste essentiels.
| « On ne cherche pas le plus beau ou le moins cher, mais ce qui a du sens dans le marché donné/local. »
Paris, ville-monde et actif stratégique
Paris, comme place mondiale incontournable (arbitrages, contraintes et leviers)
L’ancrage de la société dans le marché parisien repose sur une conviction forte : Paris, à l’instar de New York ou Londres, est une ville monde avec une attractivité structurelle qui transcende les cycles économiques. La demande vient autant des utilisateurs que des investisseurs, français et internationaux qui reviennent régulièrement.
| « En temps de crise, Paris reste indiscutable. »
Marché liquide et profond, tiré par une diversité d’utilisateurs et d’investisseurs internationaux
Paris se positionne comme un marché à part. Il attire toujours autant d’investisseurs grâce à un attrait international fort, séduit par :
- La stabilité juridique
- L’attractivité culturelle
- La profondeur de marché venant de la diversité des utilisateurs offrant une liquidité exceptionnelle et une certaine résilience de la demande.
- La complexité réglementaire appréciée par les utilisateurs
- La rareté foncière renforçant la valeur des actifs
| « Il n’y a pas de marché en Europe qui offre à la fois la rareté, la profondeur et la visibilité de Paris. »
Contraintes et rareté, qui renforcent la valeur des actifs.
Si Paris attire, elle n’est pas dénuée de contraintes. La réglementation dense, les arbitrages politiques et la volonté municipale d’augmenter l’offre de logements réduisent les surfaces de bureaux disponibles, renforçant mécaniquement la valeur des actifs existants. La ville étant déjà dense, la revalorisation et la recomposition d'actifs existants devient essentielle.
Les bureaux parisiens ont connu une montée en gamme significative depuis 15–20 ans. ESG, services, qualité architecturale et confort pour les utilisateurs sont les nouveaux standards, transformant les bureaux en produits créateurs de valeur dès l’origine.
| « On ne peut plus se contenter de recycler un actif. Le bureau parisien doit être pensé comme un produit complet, attractif et durable. »
Cette évolution se reflète dans les loyers prime, passés de 750 €/m²/an (2007–2008) à 1 200–1 300 €/m²/an aujourd’hui, +60 % sur le QCA.
Ainsi, la rareté et la qualité des actifs constituent des leviers majeurs pour la valorisation et la résilience des bureaux parisiens.
Arbitrage logement/bureau, où le bureau reste le vecteur principal de création de valeur.
L’arbitrage se fait selon les rendements et le potentiel de création de valeur :
- Logement : actif refuge, forte demande locative, mais rendements potentiels plus faible, création de valeur complexe et contraintes réglementaires lourdes.
- Bureau : plus volatil mais potentiel de valorisation supérieur grâce aux repositionnements, restructurations et optimisation locative.
| « Beaucoup d’investisseurs étrangers rêveraient de faire du logement à Paris or le capital est trop élevés. Et il est compliqué de créer de la valeur sur quelques chose qui à déjà de la valeur. »
Ainsi, Paris attire dans les deux cas et combinant deux marchés différenciés.
Stratégie d’allocation flexible et orientée utilisateur
Black Swan ne raisonne pas uniquement à partir de l’offre disponible, il adapte ses choix d’allocation aux attentes des investisseurs. Il privilégie la qualité, la localisation prime et la création de valeur durable, tout en explorant la banlieue proche et les actifs alternatifs.
| « Paris est un marché complexe mais structurant. Y investir, c’est faire le pari d’un actif rare, convoité et durablement valorisable. »
Vers un immobilier de qualité, transparent et international
Les décisions d’investissement sont aujourd’hui profondément structurées par les critères ESG. Ce ne sont plus de simples options, mais une norme intégré au cœur des stratégies pour suivre le sens de l’histoire qui souhaite créer une véritable valeur durable.
| « Aujourd’hui je ne me vois pas livrer un immeuble qui n’est pas labellisé et je ne vois pas un investisseur qui pourrait acheter un immeuble qui ne l’ai pas. »
À cela s’ajoute la pression réglementaire européenne : meilleure transparence, rénovations énergétiques et réduction de l’empreinte carbone. Les bâtiments modernes doivent obtenir des labels exigeants pour rester attractifs.
| « Il n’y a même plus de débat à s’opposé, l’impact est là, il faut le prendre en compte. »
Opportunités et leviers à horizon 2026
Le marché parisien est à un tournant stratégique. La rareté intra-muros reste forte, mais les opportunités émergent en première couronne, où des projets mixtes voient le jour. Ces ensembles créent des lieux de vie complets répondant à la demande croissante de proximité et de services.
La mixité fonctionnelle devient un critère de valeur :
- Bureaux + commerces + logements,
- Espaces de travail + services + culture,
- Art intégré à l’immobilier.
Ce dernier point prend une importance nouvelle. Certains programmes vont jusqu’à inclure une dimension artistique, inspirée d’initiatives comme le programme « Un immeuble, une œuvre » mis en place par le ministère de la Culture, rendant l’art accessible quel que soit le niveau de revenu ou la sensibilité. Black Swan prends à cœur ce programme.
| « Les actifs qui combinent mixité, services et art sont ceux qui créeront de la valeur demain. »
C’est une manière de redonner à l’immobilier une dimension expérientielle et culturelle, au-delà de la simple fonction d’usage.
Perspectives et enjeux futurs
Le marché s’oriente vers des actifs flexibles, évolutifs et responsables.
L’avenir de l’immobilier reposera sur un équilibre entre qualité, transparence et internationalisation et appartiendra aux acteurs capables de créer des produits utiles, résilients et porteurs de sens, où la mixité, la durabilité et l’expérience utilisateur seront les véritables leviers de valeur.
| « Savoir lire les signaux faibles, s’adapter rapidement et innover sont les clés pour réussir demain. »
Le marché immobilier parisien et francilien, loin de s’essouffler, entre dans une nouvelle ère.
Merci à Rouzbeh BADI AREZ pour cet échange et les prochains.